Carmen Aguiar


Un témoignage!


Aujourd'hui, hommes et femmes cherchent à redéfinir leur rôles et à reconstruire leurs identités. Le tango peut aider dans cette quête d'unité entre les deux rôles : une manière de marcher, ou plutôt, une sensation qui se marche avec le sentiment que l'écoute entre les deux partenaires est aussi importante que l'écoute de la musique. Grâce à cette triple écoute (du partenaire, de soi même, de la musique), l'énergie circule, respire, vit.

Mais les hommes et les femmes d'aujourd'hui sont différents de ceux qui vivaient au moment de la naissance de cette danse, qui peut parfois véhiculer des images du passé. Le langage corporel et sentimental du tango des années 2000 est donc différent de celui des années 1920. Dans une danse qui exige ouverture aux autres et remise en question permanente, il est important de s'intéresser à l'apport des jeunes professionnels du tango, porteurs de la vitalité et de l'évolution de cet art.

Carmen Aguiar





Patricia Ray

Partenaire de Nestor Ray, elle a effectué une tournée de plusieurs mois en Europe au cours du printemps 1999. Elle nous livre ici quelques réflexions sur le thème du rapport de couple dans la danse.

Pour Patricia, la danse reflète les cultures locales, notamment pour ce qui est des relations hommes-femmes. En Amérique du sud, l'homme, plus macho, plus dominateur, accapareur, pratique un abrazzo plus serré et un guidage plus ferme qui donne moins de liberté à la femme. Mais, en même temps, il s'agit de pays tropicaux à la sensualité forte. Les sentiments qui se transmettent par la danse sont plus intenses, les gens s'expriment davantage avec leur corps ("tout le corps est danse"). La Femme exprime davantage sa féminité, comme dans la rue, par des mouvements de hanches et des ondulations plus marquées. En Europe, c'est le contraire : un abrazzo trop marqué, un guidage trop ferme pourraient être perçus comme un manque de respect. En même temps, les différences culturelles hommes-femmes étant moins nettes et le refoulement expressif plus fort, la danse dégage dans l'ensemble moins de sensualité. Un paradoxe : le Japon, pays que l'on perçoit habituellement comme très "réservé", mais où les femmes se livrent en fait très largement dans la danse, révelant ainsi l'existence d'une grande culture sous-jacente de la sensualité amoureuse.

On peut également observer des différences importantes liées aux générations. Les plus jeunes danseurs, par exemple, ont tendance à donner, en Europe comme en Amérique latine, davantage de liberté à la Femme, un peu comme dans la vie. Les plus jeunes femmes revendiquent elles-mêmes la possibilité d'exprimer davantage leur créativité. Des situations de conflit peuvent alors apparaître si l'homme n'est pas suffisament à l'écoute, ou sent son rôle traditionnel menacé. Cela conduit à réévaluer les stéréotypes masculins et féminins : être homme, par exemple, ne signifie pas enlever la liberté à la femme, mais plutôt lui donner une sécurité. Elle pourra alors elle-même être plus femme, c'est-à-dire non pas plus soumise mais en mesure d’utiliser plus à fond ses capaciés de mobilité corporelle. Le tango apparaît ainsi,contrairement aux stéréotpyes, comme un apprentissage du paritarisme dans le respect et l'épanouissement du rôle de chacun(e).

Propos recueillis par Fabrice Hatem


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